Sequence 5 - Electre - Giraudoux
T1
Objets d'étude : Théâtre : Texte et représentation.
Situation 1 : O(Oreste) vient de réveler son identité à sa sœur E (Electre).
Devant CL (Clytemnestre), par provocation, E prétend épouser son frère.
Restés seuls avec le mendiant, E et 0 peuvent enfin se parler : Ce sont leurs retrouvailles.
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Situation 2 : L'expression d'un amour fraternel qui bascule rapidement
en un amour démesuré d'E pour son frère, entre amour maternel et
sensuel.
I - Une sœur idolâtre et destructrice
1.1 - L'idolatrie (sens religieux, péjoratif)
-Métaphore filée de l'apparition du soleil = Apparition d'O : « baisse
les yeux/m'atteignent trop durement/mon frère est né comme le soleil/Ô
joie d'être aveugle/éblouissent » O est présenté comme un être divin.
-Obscession du frère. Répétition du mot "frère" ou du mot "fraternel'".
Adresse au destinataire. Je s'adresse à tu à l'impératif. Mise à la
troisième personne -> décalage da,s me dialogue, où peu à peu O se
trouve exclu dans son identité propre au profit d'une notion abstraite
de fraternité. Multiplication des exclamations.
1.2 - La sensualité
Sensualité déposée (tabou). Champ lexical du corps : « mes mains/elles
touchent/dans ce corps/dans cette tête/je te
caresse/oreille/poitrine/bouche/visage ». Anéantissement d'O.
Volumétrie disproportionnée. « tais toi/ne parle pas ». 2 questions d'O
sans réponse. Une demande de parole non prise en compte. -> Discours
ambivalent d'E qui dans le même temps adore et anéanti son frère. Mais
pour que l'alienation soit complète la sœur fanatique se lance dans une
recréation, un nouvel enfantement d'O.
II - La recréation d'O
Sur un mode imaginaire, E modèle 0 selon son désir.
2.1 - Le rejet de la maternité
-Le constat de la haine par Oreste auquel fait écho l'abolition de la
mère par E. « Imaginons que nous ayons été enfantés sans mère ».
2.2 - Une approche fantasmée du frère
-le voit dans son sommeil : « Je souhaite te retrouver dans mes rêves ».
-Réduction de la vie : « Il eût fallu que » Subjonctif.
-La métaphore de la cécité (être aveugle) : « à tatons » etc
2.3 - La recréation du frère
E est gagnée par un délire démiurgique.
Une création artistique et divine ligne 26 : « se forme mon frère/un
dernier modelage : Coté sculpteur, référence à Pygmalion. « « Quelle
réussite ces oreilles ! »
-Une génèse progressive du corps. Anaphore "voilà que j'ai fait" : Elle lui donne le souffle vital.
-Une substitution d'E à sa propre mère.
Quel sens donner ?
-Une manière de tuer la mère
-Préparer Oreste à la vengeance (endoctrinement)
-Séparer le fils de sa mère
Cet endoctrinement sans violence prend une forme magique et poétique.
III - Une scène poétique
3.1 - Element de théâtralité
-Scène propice aux fantasmes. Présence de mendiants qui place le duo
sous le signe du merveilleux. Les dieux veullent que la vérité éclate :
Consentement divin.
Le frère et la sœur apparaissent comme des instruments.
3.2 - Un discours poétique et mythique
O -> Apollon.
E -> Pygmalion.
Le couple se veut sans mère. Duo intemporel rappelant Adam et Ève.
3.3 - Le lyrisme
Expression de l'amour, du bonheur. Eloge : « beau/net/réussite ».
Ivresse de la création artistique. Element de prosodie. Jeux de
reprises. Vers blancs.
CONCLUSION
Alexandrin caché : Vers blanc.
« Pourquoi hais-tu à ce point notre mère, Electre ? ».
Se déclarer : Reveler leurs dimensions tragiques.
Elle veut faire d'O sa créature et l'instrument de vengeance.
Derrière un discours poétique et onirique, on sent poindre une visée de
persuasion qui vise à l'endoctrinement d'O. Complexe d'E (=/= complexe
d'Eudipe)
-> Désir de tuer la mère et fixation amoureuse sur Agamemnon. O est la réincarnation du père.
T3 - Egisthe transfiguré
ACTE II - Scène 7
« Ô puissances du monde [...] ni Olympie, ni mycènes »
S1 . Eg est l'amant de Cl. Il est transformé : Consacré roi par les Dieux.
Il vient d'annoncer son mariage avec Cl pour repousser l'envahisseur
Corinthiens à Argos.
Lecture
S2 Le Don d'Argon à Egisthe est le thème de l'extrait.
Propos : Ce don est une bénédiction des Dieux pour Eg qui l'exalte et
le rend heureux mais c'est aussi une lourde responsabilité car il doit
se montrer "à la hauteur".
Tyrade contenant le récit de la révélation qui se fait sous le registre épique voire lyrique.
Problématique : Comment Eg subit-il une transformation qui lui confère une dimension tragique ?
I - Le Sacre
Le Mendiant avait annoncé ce sacre : « Je sentais que le roi allait se
déclarer en vous ». La tyrade d'Eg prend la forme de récit
d'investiture.
1.1 - Une révélation bénie par la Nature
Topos littéraire (voir Chateaubriand dans "Itinéraires d'un voyage de
Paris à Jérusalem", 1811) qui a le même type de révélation sur la
colline de l'Acropole à Athènes. Même vision pour Eg : Ligne 4.
Mise en scène de la révélation : Epiphanie : " à la seconde où le brouillard s'est évanoui" (termes religieux).
1.2 - Un personnage investi par les Dieux
Champ lexical de la lumière qui renvoie à Dieu. Autres références aux
puissances divines : "Ô puissances du monde[...] Merci pour ce don que
vous m'avez fait". Ligne 19 : Dieu au matin ne mesure par ses cadeaux.
"Don" multiplié : 16x.
l9,10 et 11 : Globalisation, don éternel l16.
1.3 - La recherche d'une 2nd consécration : Celle d'El
l23,24 : Adresses directes à EL. Dans la scène 7, beaucoup de monde
mais E ne s'adresse qu'à EL et aux Dieux. La volonté de réconciliation
? En voulant une relation priviliégée avec EL, Eg cherche à s'élever
lui aussi à la hauteur d'EL et ainsi accéder au sublime.
Nous assistons à une reconversion miraculeuse d'EG qui s'accompagne
d'une considération élevée de la fonction royale et politique
entrainant 1 nouvelle vision de la ville d'Argos.
II - La Patrie contre le Monde
La ville est un véritable personnage. Une véritable relation d'amour exclusif se noue entre Eg et sa ville.
2.1 - Un Hymne à la ville
La métaphore filée du don/cadeau.
Son premier cri l12. Comparaison : « J'ai reçu ma ville comme une mère son enfant ».
l28-31 : Argos = Source où EG étanche sa soif. La goutte unique d'une source de glace.
La ville renaît en même temps qu'EG est transfiguré. La Patrie est
saisie dans sa diversité pour qu'EG puisse mieux en faire ressortir son
unité intrasèque.
2.2 - Argos, ou l'amour exclusif
EG déclare son amour pour la cité et exclusivement pour elle. En effet
: l17à19 : Hypothèse d'un règne au delà d'Argos mais cette idée
l'effraie. Champ lexical de l'angoisse. C'est une exclusion du reste du
monde. l17 à 37 : Multiplication des tournures négatives. Mépris pour
le reste du monde. Représentation du monde par des clichés
(stéréotypes). L'image du désert, les négresses qui pillent le millet =
Exotisation.
=> Dans le but de mettre en valeur Argos à travers un lyrisme grave
et passionné, tout en dressant le portrait d'un homme humble et
réaliste.
III - Un théâtre poétique
En effet, on s'aperçoit que le ton du discours est d'une tonalité incatatoire et dramatique.
3.1 - La sublimation du personnage
E est animé par le lyrisme et par la passion.
L'amour de la patrie auquel répond le don de soir. L'expression du
bonheur "Et je suis aussi heureux...". La touche épique : Présence des
dieux. Discours très globalement hyperbolique traduisant l'exaltation
du nouveau roi. Un regard magistral qui va de la cité d'Argos qui va
jusqu'à la vision du monde entier.
EG prend de la hauteur => colline d'Argos.
3.2 - Portée dramatique de l'extrait
Tyrade qui constitue une pause dans l'urgence. Coup de théâtre,
renversement brutal. EG le régicide est transfiguré en véritable héros
politique et tragique. Dramatisation : Retardement.
EG n'est plus un adversaire méprisable pour EL => Dilemme. Cette
conversion a une valeur argumentative puisqu'elle vise à convaincre EL
de ne pas se venger. Effet d'attente.
3.3 - Une prose poétique
Reprises, répétitions. Anaphores (l10-13 : Premier). Eclat politique du discours d'EG est le reflet de l'ennoblissement.
T4 - Egisthe et Electre : La cité contre la Justice
Support : Acte II, Scène 8 : « E- Sais-tu ce qu'est un peuple ? [...] vous l'avez assassiné ».
E l'ancient régent veut devenir roi. Pressé par le péril, il veut
obtenir la consécration d'EL afin de légétimer son pouvoir. Mais EL
vient de l'accuser lui et CL de régicide. Elle exige la justice.
Thème : Le Peuple, la Cité et la recherche de la Vérité.
Propos : Ils s'affrontent
Visée : Le Destin de la Ville se joue.
2 Exigeances contraires qui se rencontrent dans une dispute lyrique.
I - L'affrontement de 2 devoirs antinomiques (opposés)
Acte II, Scène 7 : Etat d'Urgence pour la ville qui est assiegée. 2 conceptions du monde s'affrontent
1.1 - Deux visions opposées du peuple
EGISTHE
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ELECTRE
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Discours pragmatique, esprit
pratique, réaliste : « C'est un immense corps à régir, à nourrir ». Ton
pédagogique, condescendant (càd mépriser avec hypocrisie) : « Tu parles
en jeune fille, non en roi. » . « Il est des vérités qu'il vaut
mieux taire ». Style de la maxime (Présent de vérité générale) et
tournures impersonnelles.
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Vision idéaliste du peuple,
fondée sur la sensibilité. « Je parle en femme » : Revendication
féminine. Vision du peuple abstraite et poétique qui repose sur la
métaphore filée du regard : « Regard étincellant/Prunelles de vérité/Il
est des regards/les yeux/aveugles/regard terne ».
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1.2 - Le Mensonge contre la Vérité
EGISTHE
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ELECTRE
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l.12 : « Il est des Vérités qui
peuvent tuer/Un scandale ne peut que l'achever ». Disqualification de
la notion de Vérité qui devient "scandale". Evolution dans la
modalisation. Chantage. Réclame un délai : « Il me faut cette journée,
un jour mieux fait pour elle, attends demain. »
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L'alliance vitale du peuple et
de la Vérité. Thème du regard => Justice. Le mensonge est
corrupteur. l.15à22 : Condamnation du mensonge.Dans "Injustice et
forfait", Injustice s'oppose à Bonheur. l.23 : « Non, c'est aujourd'hui
son jour ».
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1.3 - Un affrontement poétique
Tout le dialogue est construit sur des jeux de reprises, parallélismes
et antithèses qui soulignent le conflit serré entre les deux
personnages.
Affrontement rendu très poétique par un double jeu de reprises et de
variations. Aucun des personnages ne veut céder du terrain à l'autre.
Tout en s'opposant, EL et EG n'apparaissent pas comme étant éloignés
l'un de l'autre par la construction de ces jeux de reprises.
Nous sommes dans un débat sans issue, valeurs inconciliables entre deux
personnages purs. C'est le combat du relatif et de l'absolu. L'un est
prêt à tout, même au sacrifice personnel, l'autre est prêt à tout pour
l'accomplissement de la Justice. Le spectateur est placé devant un
dilemme. La Violence et la Pureté d'EL peut sembler suspecte.
À noter le temps de la phrase "Vous l'avez assassiné" : Le passé
composé qui traduit un évement passé qui a une conséquence au moment
présent.
On a un fossé idéologique entre les deux persos. Les deux visions s'entrecroisent dans un dialogue poétiue savamment composé.
II - Un Art du dialogue poétique et musical
2.1 - Deux types de discours opposés
Les répliques d'EL : Proses sous le mode majeur. Lexique de la morale, Lâcheté, mensonge, bonheur.
EG : Mode mineur, tient des propos concis et sobres : prose emphase. Attache au concret sauf "Cela va coûter...".
2.2 - Un dialogue impossible : entre harcellement et ressasement
Au bout d'un moment, le dialogue semble s'arrêter. Les perso semblent
camper sur leur position, en reprenant continuellement les mêmes motifs
:
EG « La Vérité peut anéantir un peuple »
EL « Qu'importe pourvu que la Vérité triomphe
Ce motif subit des variations mais indique un véritable dialogue
de sourds. Jusqu'à la ligne 44 où l'on revient à l'enquête policère.